Skydrone Robotics : l’Avidrone, Enedis et la pose de balises pour la préservation des oiseaux
Voir l’Avidrone en action, c’est assez impressionnant ! De quoi s’agit-il ? C’est un drone conçu pour poser des balises sur les câbles aériens. Le but est de réduire le risque de collision et d’électrocution des oiseaux sur ces câbles.
L’Avidrone est une réalisation française, imaginée par Enedis et développée par la société Skydrone Robotics basée près de La Rochelle.
Rencontre avec Dennys Marc
A l’invitation de Skydrone Robotics, j’ai assisté à une session de travail de Dennys Marc, le pilote spécialisé dans la pose de balises. Il m’a raconté avec passion son travail avec l’Avidrone ! Ce matin-là, Dennys, accompagné par Enedis, a équipé une ligne qui traverse le Rhône près de Brangues, en Isère.
Helicomicro : Comment décrirais-tu ton métier ?
Dennys Marc : Je suis pilote de drone avec une spécialité, la pose de balises Firefly avec un drone développé pour cette tâche par Skydrone Robotics, la société pour laquelle je travaille.
HM : Des balises Firefly ?DM : Ce sont des balises destinées à réduire le risque de collision des oiseaux avec des lignes électriques. Nous, nous voyons assez bien ces lignes électriques parce qu’elles se détachent sur le ciel. Mais les oiseaux ne les distinguent pas du reste de l’environnement et risquent de les percuter. Je parle d’oiseaux d’assez grande taille, les rapaces et les oiseaux migrateurs par exemple. Le pire, c’est lorsqu’ils touchent deux lignes, ils sont alors électrocutés. Les balises Firefly, qui sont positionnées à intervalles réguliers sur une ligne, leur permettent de mieux détecter les obstacles.
HM : Qui décide de la position des balises Firefly ? Et qui finance leur installation ?
DM : C’est la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) qui indique les endroits stratégiques où des balises sont susceptibles d’être placées. Le financement est assuré par Enedis.
HM : Comment ça fonctionne ?DM : Chaque balise est dotée d’une pince avec un ressort puissant. D’ailleurs il faut être prudent en les manipulant, ça pique fort si elle se déclenche ! Elle est destinée à être clipsée sur le câble. L’effet de la balise repose sur des bandes colorées réfléchissantes et sur sa rotation quand il y a du vent.
HM : Pourquoi utiliser un drone ?
DM : Pour réaliser une intervention par un humain, par exemple avec une nacelle, il faut couper le courant et donc déclencher une interruption de service. Avec le drone, la ligne reste opérationnelle, sans aucune interruption pour ses usagers. Dans le cas de zones difficiles d’accès, et c’est le cas ce matin au-dessus du Rhône, il est particulièrement compliqué de faire intervenir des hommes. Alors qu’avec l’Avidrone, la portion est équipée en quelques dizaines de minutes.
HM : Parle-moi de l’Avidrone !DM : C’est un drone spécialisé dans la pose de pinces sur des câbles, conçu par Skydrone Robotics en collaboration avec Enedis. Il est protégé par des brevets français et européen. Le principe est simple : l’Avidrone vient se placer sous la ligne, s’y coller et clipser la pince, puis revient pour charger une nouvelle balise et recommencer.
HM : Comment ça fonctionne ?
DM : L’Avidrone est un drone de type quadri, avec un carénage destiné à éviter les soucis en cas de touchette avec des obstacles. Ca a l’air simple comme ça, mais il est conçu de telle manière que, en cas de contact, ce soit l’extérieur qui prenne le jus, pas l’électronique à l’intérieur. Il y a un guide en forme de V, cette conception permet de venir se positionner sous le câble et monter pour venir installer la pince. La libération de la pince est automatisée.
HM : Il y a mécanisme développé pour cette tâche ?DM : Oui, c’est une réalisation de Skydrone Robotics qui permet de clipser automatiquement la pince lorsqu’il y a contact avec le câble. Avec l’expérience, ce mécanisme a été amélioré. Par exemple, il est possible de se dégager du câble si la manoeuvre échoue, pour éviter que l’Avidrone ne reste perché.
HM : C’est un coupe-câble ?
DM : Oui, ou plutôt, c’est un fond-câble, parce qu’on a choisi de faire fondre le cordage de déclenchement, avec l’aide d‘une résistance ! Nos tests ont montré que c’était la méthode la plus efficace.
HM : Comment réalises-tu ton approche ?DM : L’Avidrone fonctionne avec un Pixhawk. J’utilise un mode de vol manuel pour réaliser l’approche. Il y a une caméra FPV analogique dirigée vers le guide en V qui me permet de réaliser la visée précise. Ensuite, je passe en mode Alt Hold le temps de clipser la pince, puis je redescends et je reviens au point de décollage. Il n’y a pas de chargeur pour plusieurs pinces, ce serait un mécanisme trop imposant, il y a donc un aller-retour à chaque pose.
HM : Combien de balises mets-tu en place sur une ligne ?
DM : En plaine, j’en installe une tous les 15 mètres. En montagne, c’est plutôt tous les 8 mètres.
HM : Sur cette ligne, il y a un câble central et deux lignes. Comment choisis-tu les emplacements ?DM : J’équilibre la pose des balises sur deux câbles pour réduire le poids. J’évite le câble central pour réduire le risque de toucher deux lignes en même temps.
HM : C’est le principal risque pendant la pose des balises ?
DM : Oui, toucher deux câbles simultanément, c’est créer un arc, une coupure de la ligne, et cela peut entrainer des dégâts sur les câbles. Aujourd’hui les trois câbles sont à la même hauteur sur la ligne. Mais souvent le câble central est plus haut que les deux autres, en forme de chapeau. Dans ce cas, il est très délicat de fixer une balise sur le câble central.
HM : Tu as des machines en spare avec toi ?
DM : Oui, j’en ai plusieurs dans mon véhicule.
HM : Il y a d’autres pilotes que toi pour l’Avidrone ?DM : Non, je suis le seul. C’est une pratique inhabituelle assez déroutante pour un pilote habitué aux drones stabilisés. Il faut savoir piloter manuellement, changer de mode de vol pendant les manoeuvres, évaluer rapidement l’environnement et les conditions de vol, gérer les distances et la proximité avec les câbles. Mon expérience de plusieurs années avec l’Avidrone me permet de réaliser les missions de manière efficace. Il vaut mieux, parce que les fenêtres de vol sont limitées. Il ne se passe pas grand-chose en hiver et une mauvaise météo ne permet pas de voler, il faut être efficace le moment venu.
HM : Tu ne te lasses pas des vols en Avidrone ?DM : J’ai du réaliser 6000 poses en 3 ans, on pourrait imaginer que c’est hyper redondant, toujours la même chose, je décolle, je vais chercher la ligne, je dépose, je reviens, je charge une balise, je repars. Mais je vois tous les jours de nouveaux endroits, de nouveaux paysages, je bouge énormément sur le territoire. Et puis il faut être toujours concentré pour être précis. Au final, c’est un métier passion !
HM : L’Avidrone a évolué au fil des missions ?DM : Oui, l’expérience a permis de nombreuses améliorations. Au début, le drone était habillé de noir. On s’est aperçus que le passer en orange permettait de mieux le voir, mais aussi de réduire la surchauffe au soleil ! C’est aussi l’expérience au fil des missions qui nous a permis d’utiliser la télémétrie pour mesurer la distance entre deux balises. Avant, il fallait une seconde personne avec un télémètre laser, et c’était compliqué. Idem pour la conception du coupe-câble avec une résistance ! Il y a d’autres avantages, comme par exemple la possibilité de ralentir la dégradation d’un câble électrique…
HM : Ce n’est plus du domaine de l’aviaire !DM : Effectivement ! Les câbles électriques sont faits de fils torsadés. Lorsqu’ils se détériorent, ils finissent par se détorsader et pendre jusqu’à présenter un danger. La pose d’une balise, ou plutôt de sa pince, permet figer les torsades le temps de préparer une intervention, et de localiser l’endroit avec précision.
HM : Côté réglementation, ce n’est pas trop compliqué ?
DM : La plupart des vols s’effectuent hors agglomération, en scénario S-1. Il y a rarement des difficultés pour pouvoir voler, même dans les zones qui nécessitent des déclarations ou des autorisations.
Franchement top